27 sept. 2010

Sonnet pour Sarah


Sarah Bernhardt  
dans la Princesse Lointaine, d'E. Rostand

***

En ce temps sans beauté, seule encor tu nous restes,
Sachant descendre , pâle, un grand escalier clair,
Ceindre un bandeau, porter un lis, brandir un fer,
Reine de l'attitude et princesse des gestes.

En ce temps sans folie, ardente, tu protestes !
Tu dis des vers. Tu meurs d'amour. Ton vol se perd.
Tu tends des bras de rêve, et puis des bras de chair.
Et, quand Phèdre paraît, nous sommes tous incestes.

Avide de souffrir, tu t'ajoutas des coeurs ;
Nous avons vu couler - car ils coulent, tes pleurs ! -
Toutes les larmes de nos âmes sur tes joues.

Mais aussi tu sais bien, Sarah, que quelquefois
Tu sens furtivement se poser, quand tu joues,
Les lèvres de Shakespeare aux bagues de tes doigts ! 

Edmond Rostand

 
Clairin : Sarah Bernhardt dans le rôle de Mélisande
 
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