Les transcriptions parfumées des univers littéraires ne m'émeuvent guère.
Ainsi "Baudelaire" de Byredo...
La démarche aurait pu être intéressante, la composition semblait alléchante : bois, cuir, tabac, poivre et baies, encens, ambre et patchouli...des notes "évidentes" dans l'univers baudelairien tel que je me l'imagine. Ne manque que l'absinthe, quoique...une note m'y fait furtivement penser.
Las, après un départ prometteur et affirmé bizarrement "revival eighties" (du XXe siècle !), le jus devient très consensuel, d'une banalité affligeante, comme si le créateur avait voulu devenir olfactivement correct, pour ne pas choquer.
Trop lisse, tout cela, trop propret, trop dans le ton des jus dilués de ce XXIe siècle, et surtout, très très loin de l'univers des Fleurs du Mal, même si soi-disant inspiré du poème "Parfum exotique".
Bon sang ! Il eût fallu là un parfum subversif, débordant de notes fortes, s’entremêlant, s’entrechoquant, s’épousant, se repoussant pour mieux s’unir ensuite, des notes à la fois lascives et violentes, des notes chaudes, incandescentes, brûlantes, tourbillonnantes, jusqu’à l’étourdissement des sens, avant le calme et la volupté d’après l’amour, et ses notes ambrées musquées, cumin aussi.
Un parfum riche, sombre, épais, baumé.
Ici, c’est un Baudelaire censuré auquel on a affaire, un Baudelaire bridé dans la sensualité, dans l’érotisme, - qualifié à l’époque de pornographie -, de ses vers.
Un hors-sujet ! Pire : un non-sens total dans l'explication de texte.
Un parfum très 2010 dont les effluves allégés à l’extrême, voire dilués, eurent beaucoup déstabilisés le poète, tant on est loin de cet univers, de cette idée des odeurs, senteurs et parfums qu’il a voulu transcrire en mots choisis.
Estampillé "pour nous, les hommes !", c’eût été un déo spray tout à fait correct, même si peu original, dans la veine de ceux dont nous étouffent certains mâââles éprouvant le besoin d’affirmer leur virilité à coups de notes agressives dites masculines.
Pompeusement baptisé "Baudelaire", c’est une trahison !
Irrévérencieux à l’extrême, cet apprenti parfumeur dit "de niche" vend à prix indécent une fragrance essoufflée, tant elle ressemble à beaucoup de jus masculins (réussis, ceux-là !) des années 80, et même aux créations de certains voisins de niche, plus inspirés.
Choisir Baudelaire pour univers demande sensibilité, talent et imagination. N’est pas artiste qui veut, sauf si le marketing est désormais un art.
notes de tête : genièvre, poivre, cumin
notes de coeur : jacinthe, cuir, encens, notes aromatiques
notes de fond : papyrus, ambre noir, cuir
Je me console en savourant le poème de Baudelaire,
et en rêvant à ce qu’un parfumeur, un vrai, eût imaginé pour en retranscrire
la richesse olfactive.
Portrait de Baudelaire par Gustave Courbet |
et en rêvant à ce qu’un parfumeur, un vrai, eût imaginé pour en retranscrire
la richesse olfactive.
Parfum exotique
Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ;
Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'œil par sa franchise étonne.
Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,
Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ;
Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'œil par sa franchise étonne.
Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,
Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal
VDD